De l’autre côté du miroir

De l’autre côté du miroir

J’ai récemment fait la rencontre d’un jeune homme charmant et articulé dont le diagnostic de trouble du spectre de l’autisme, et plus spécifiquement le type Asperger, fût conféré dans le début de sa vie d’adulte. Il est effectivement peu commun qu’un tel diagnostic soit attribué si tard; les manifestations du TSA telles que les difficultés sensorielles et les atypies dans le développement des relations interpersonnelles et sociales sont observées, selon leur sévérité, généralement tôt dans le cours du développement de l’enfant. Le cas de Thomas (nom fictif) est visiblement tout autre; il a vécu son enfance et son quotidien avec l’autisme sans aucun signe de la présence du trouble et nous amène à nous questionner : est-ce que d’autres enfants vivent de cette façon au quotidien? Voyage à travers la perception de Thomas…

En effet, Thomas nous explique qu’il s’est toujours senti différent des autres enfants. Depuis son tout jeune âge, il observe constamment et est très attentif à son environnement et à ce qui se passe autour de lui. C’est de cette façon que les manifestations de son autisme sont passées sous silence : il a appris à reproduire; à mimer les réponses sociales perçues chez son entourage et à mémoriser les réactions qu’elles produisaient. Thomas arrive donc, au quotidien et dans diverses situations sociales à jouer, comme le ferait un acteur, le rôle de l’enfant neurotypique et ce, en étant bien conscient de le faire à l’encontre de sa propre nature. Thomas m’explique sa perception et les efforts que cela lui demandent en utilisant l’analogie du poisson qui tente de remonter la rivière : « C’est comme le saumon qui tente de remonter le courant pour rejoindre les autres poissons; je dois travailler sans arrêt et être conscient de tout ce qui m’entoure pour y parvenir ».

Il en va de même pour les particularités sensorielles qui le caractérisent. Thomas présente des hypersensibilités sensorielles touchant la vision, l’audition, l’odorat et le système tactile. Il est en hypervigilance de façon constante, c’est-à-dire qu’il perçoit et est pleinement conscient de la totalité des inputs sensoriels transmis par l’environnement; son système ne peut inhiber ou faire fi de certaines stimulations comme le ferait celui de la plupart des gens. Il explique la présence constante de ces sensations comme une marée d’huile dans sa tête : « La marée est partout et tout le temps dans ma tête ; je peux la contrôler, mais elle ne s’en va jamais. Et le stress, c’est comme une allumette que l’on jette dans l’huile, ça fait une explosion et ça prend toute la place dans ma tête ! » Ainsi, durant toute son enfance, il mentionne avoir été en mesure de contrôler cette « marée » sensorielle et que cette hypervigilance, ou cette pleine conscience, lui a en fait octroyée un certain contrôle à la fois sur ses sens, mais également sur la reproduction des comportements sociaux décrits ci-haut.

Les exigences du quotidien du jeune cégépien ont eut raison de son travail constant contre sa propre nature ; le stress et l’anxiété ont mené à la découverte de ce trouble secret qui était caché et bien contrôlé en lui. Imaginez les efforts, l’énergie et le contrôle nécessaires pour le masquer à tous les jours et durant toutes ces années ! Cette rencontre privilégiée avec Thomas m’a permis d’accéder à cette information que nous n’obtenons que trop peu des enfants aux prises avec le trouble du spectre de l’autisme : leur perception et leur interprétation à la fois de leur trouble et de qui ils sont, mais aussi du monde les entourant.

Un texte par Karine Massé, ergothérapeute

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